SFUMATO VERTIGO Johan PARENT

01 | 01 | 16

Sfumato – Vertigo, du blanc au vide

Johan Parent

 

En résidence à Flaine du 11 novembre au 12 décembre 2015

Du 12 décembre 2015 au 19 février 2016

 

« Sfumato Vertigo réunit un ensemble d'installations réalisées et réactivées pendant la période de résidence au Centre d'Art de Flaine. Johan Parent développe une pratique multiforme qui met en évidence le changement de statut de l'objet dans notre société depuis l'avènement de l'automatisme. Ainsi l'artiste envisage les objets à travers une déconstruction de leur fonctionnalité et de leur dépendance à la présence humaine, afin de révéler une ambivalence entre le vivant et son absence.

L'artiste travaille en même temps sur nos espaces qu'il fait basculer dans une atmosphère froide ou inquiétante, par ce principe de détournement et de dysfonctionnement. Jouant sur la saturation ou le parasitage des espaces visuels et sonores, les dispositifs autarciques traduisent des symptômes d'époques (anxiété, défaillance, sens désaccordés....) Pour cette exposition dédale de couloirs, salle d'attente, espaces génériques et ''aires des savoirs'' s'imbriquent et se contredisent.  Les univers évoqués jouent de leur brouillage [Sfumato] et tente de créer un dialogue avec les espaces du Centre d'Art.

Les multiples directions peuvent nous amener vers une impasse, comme semble l'indiquer la série de dessins laboratoire Vertigo.  Il faut peut-être tourner  en rond quelques instants (S.M.O.D), profiter d'avoir un peu la tête dans les nuages (Sans titre) ou encore assister  à l'étouffement d'une salle stérile (Asphyxie), pour comprendre que l'exposition s'articule autour d'une approche heuristique.

Les installations tantôt figuratives tantôt abstraites dévoilent une vision poétique sur les relations qu'entretiennent les sujets avec le temps et l'espace (variation, transformation, segmentation) ; et où le mouvement [Vertigo] devient l'unité de construction de l'exposition. »

Johan Parent, décembre 2015

 

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Fumée blanche et rideau noir, de la neige au néant, entre sfumato et vertigo... la constitution d'un espace autonome.

 

Ici la référence est double mais elle provoque le même effet : une perte sensible des repères.

D'un côté, le Sfumato. Celui-ci est introduit dans la peinture par Leonard de Vinci pour fabriquer un effet atmosphérique permettant de créer la perspective par la disparition progressive des éléments dans une sorte de brouillard chromatique qui laisse le spectateur dans une indéfinition de l'espace.

De l'autre côté, Vertigo. Ce syndrome mieux connu sous sa traduction de « vertige » est l’appréhension ressentie par une personne ne pouvant plus qualifier l'espace dans lequel elle se trouve.

Une fois cette brève introduction faite, il nous faut entrer. Très vite, nous sommes face à un mur blanc sur lequel sont accrochés deux dessins en noir et blanc. De longs couloirs à l'esthétique bureaucratique sont mis en mouvement par un damier qui compose l'essentiel du paysage donné à voir. Ce même damier nous projette dans un espace en évolution sur lequel repose justement nos pieds. L'effet est garanti. La sensation s'appelle le vide mais un vide tourbillonnant. De l'autre côté de ce même mur, se trouvent deux autres dessins et le sol sur lequel nous nous mouvons est lui, de plus en plus atteint par la transformation d'une partie du carrelage passant du blanc au noir.

À notre droite, un mur sombre sur lequel est accrochée une série de six cadres remplis de « matière grise ». Un graphique ouvre des pistes vers une explication sommaire. Les six cadres ont été engendrés par une fusion ou inversement. La ligne temporelle nous apporte plus de précision : chaque cadre est une « unité autonome » apparue l'une à la suite de l'autre d'une même fusion. En observant à nouveau les cadres, et plus précisément la matière qui les compose, le papier fait définitivement référence à la bibliothèque qui habite elle aussi le centre d'art de Flaine. Le lieu produit la matière première les pièces de l'exposition.

À gauche, plusieurs éléments nous interpellent. Quelques plantes sont disposées de manière incongrue dans l'espace. Plus alarmant, une série de chaises noires semblent s'être échappées d'une petite pièce, au fond de la salle ; pièce d'où provient également un « bourdonnement ». En nous approchant, c'est une radio qui émet ce son monotone et dérangeant. Au mur, ce qui pourrait être une horloge, car elle en a la forme ronde et occupe son emplacement habituel, ne peut remplir sa fonction car les aiguilles ont été remplacées par un disque opaque blanc dans lequel s'inscrivent les « variations climatiques de l'extérieur » pour reprendre les mots de Johan Parent. Comme dans une salle d'attente, le temps n'est plus, il part en fumée ou, ici, dans une tempête de neige de saison !

Pourtant, d'une certaine manière, les choses s'éclaircissent à mesure que nous divaguons dans cette exposition. Notre présence est mise en mouvement par les objets du lieu qui nous accueille. Est-il si accueillant ? Les miroirs convexes sont motorisés et semblent suivre nos déplacements pour nous renvoyer continuellement une image de notre présence, les néons qui éclairent les dessins ne sont plus raccordés aux prises électriques et lorsque nous pénétrons enfin, dans la dernière pièce en poussant le rideau noir, nous nous retrouvons face à Fog, une vidéo d'un lieu similaire à celui dans lequel nous errons depuis plusieurs minutes. La seule différence, c'est notre absence et cette fumée blanche qui sortant du rideau noir remplie progressivement un espace qui s'est libéré de notre nécessaire présence.

Anthony Lenoir, décembre 2015.

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Le site Internet de Johan Parent

 

 

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